Carnets de voyages insoumis #1 : Evo Morales, l’histoire du premier président indigène de Bolivie

Peu d’hommes d’État peuvent se targuer de briguer un troisième mandat consécutif, du moins dans un régime démocratique, comme celui de Bolivie. De nombreuses raisons permettent d’expliquer un tel succès électoral. Retour sur la vie, les luttes et les réussites de l’actuel président bolivien…

Evo Morales voit le jour le 26 octobre 1959 à Orinoca, une ville de mineurs située dans l’Altiplano bolivien. Il est issu d’une pauvre famille de paysans amérindienne. Le besoin de gagner sa vie écourtera sa scolarité. Il exercera divers métiers tels que peintre, mâçon, boulanger ou trompettiste. A l’issue de son service militaire obligatoire, Evo se dirige vers le Chapare, la région de colonisation des migrants andins où il est révolté par les injustices dont sont victimes les locaux qui vivent de la production de coca. C’est à ce moment qu’il fait ses débuts dans la lutte syndicale. 

Paysans cocaleros lors de la récolte

En 1988, sous la pression de la Drug Enforcement Administration, le gouvernement bolivien détruit les récoltes de coca sous prétexte de lutte contre les narcotraficants, ce qui nuit gravement aux paysans. Depuis ce jour, Evo Morales éprouve une certaine rancoeur vis à vis des Etats-Unis.

Durant la décennie suivante, les différents mouvements de lutte paysanne essaient de se rassembler en vain dans le but de créer une force politique. Ce n’est qu’en 1995 qu’une grande partie du mouvement social se fédère autour de l’Assemblée pour la Souveraineté des Peuples (ASP). Alliée à Izquierda Unida (Gauche Unie) lors des élections législatives de 1997, le mouvement obtient 4 sièges  dont un pour Morales, devenu entre temps une figure du mouvement des cocaleros. 

Sa notoriété grandissante, il veut créer un parti. Mais face aux difficultés administratives, il rejoint le mouvement vers le socialisme (MAS) en 1999. Il va réussir à y fédérer l’ensemble des mouvements sociaux boliviens.

Affiche du Mouvement Vers le Socialisme

La campagne d’éradication de la coca s’intensifie et en janvier 2002, des affrontements éclatent entre les cocaleros et les troupes boliviennes. La commission d’éthique du parlement destitue Morales en raison de son soutien aux révolutionnaires cocaleros. Quelques mois plus tard, il obtient plus de 20% des voix au premier tour des élections présidentielles, le plaçant à seulement deux points du néo-libéral Gonzalo Sanchez qui sera élu. 

Entre 2002 et 2005, les conflits sociaux atteignent leur paroxysme à cause de la politique libérale du gouvernement. Le MAS devient le premier parti du pays lors des municipales de 2004.

Evo Morales, le premier président indigène de Bolivie

Le 18 décembre 2005, il est élu président de la république dès le 1er tour avec 53,7 % des voix. Pour la première fois, des paysans et des indigènes feront partie du gouvernement, et une femme occupera le ministère de l’intérieur. Rapidement, une assemblée constituante est élue afin de changer la Constitution. Voici ses principales réformes :

En 2006 :

  • Augmentation du salaire minimum de 13 %
  • Distribution de bons scolaires aux foyers les plus pauvres
  • Redistribution des terres
  • Réduction du salaire présidentiel et de celui des hauts fonctionnaires
  • Contrats d’exploitation des ressources petrolières plus contraignants pour les compagnies étrangères et extension des prérogatives de la compagnie publique nationale.

En 2008 :

  • Accusé d’opérations de destabilisation, l’ambassadeur Américain Philip Goldberg est expulsé
  • Tous les retraités percoivent désormais une retraite de 40 % du salaire minimum
  • La Bolivie est libérée de l’analphabétisme selon les critères de l’UNESCO

En 2009, Morales est réelu avec 64 % des voix.

  • Nombreuses mises en examen pour corruption dans l’opposition.

En 2010 :

  • Organisation de la conférence mondiale des peuples contre le changement climatique où il fait la proposition d’un tribunal international climatique destiné à la défense des droits de la Terre mère.

En 2013 :

  • Record historique de croissance pour la Bolivie avec 6,5 %
  • Le PIB par habitant est multiplié par deux depuis son arrivée au pouvoir en 2005

Il est réélu au premier tour pour un troisième mandat le 12 octobre 2014. 

Evo Morales après sa seconde réélection
  • Diminution de 50% de l’extrême pauvreté depuis sa première élection
  • En 2016, avec 4,1% la Bolivie a le taux de chômage le plus faible d’Amérique du Sud
  • Depuis son arrivée au pouvoir, le salaire minimum a augmenté de 58%

Le seul grand échec de la présidence de Morales est le référendum perdu sur la modification de la Constitution. En effet, malgré 49% d’opinions favorables, les citoyens ont rejeté à 52% l’amendement qui devait permettre à Morales de briguer un quatrième mandat. Néanmoins, à nouveau investi par son parti il a accepté d’être à candidat à sa succession en 2019. Il estime que c’est au peuple de décider s’il veut encore de lui pour un nouveau mandat. Le congrès lui a donc présenté 4 alternatives pour que sa candidature soit conforme à la Constitution.

      Evo Morales restera dans l’Histoire, comme un grand défenseur de la liberté et de la souveraineté des peuples, ainsi que des luttes syndicales et de la lutte contre la pauvreté. Mais également comme le défenseurs des paysans, des mineurs et de tous les opprimés de ce pays auparavant saigné à blanc par le capitalisme et l’impérialisme.

      En tant que militants de la France Insoumise, nous exprimons toute notre gratitude et notre admiration pour cet homme. Qu’un vent de Bolivie souffle sur la France durant ces prochains mois !

      Dorian Rizet et Simon Férelloc

      Sources :

      • « La Bolivie veut retrouver ses racines indiennes » Le Figaro le 20 mars 2017
      • « Evo Morales » Les Échos le 11 août 2008
      • « Evo Morales investi pour un second mandat » Le Monde avec AFP du 21 janvier 2010
      • « La retraite 7 ans plus tôt, la Bolivie de Morales à contre-courant » dans L’Humanité le 26 novembre 201.
      • « Bolivie : malgré le référendum, Evo Morales candidat à un quatrième mandat » BFM TV le 17 décembre 2016
      • « Le monde au chevet de la planète en Bolivie » RFI le 22 avril 2010

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